Viaduc des Rochers Noirs

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Viaduc des Rochers Noirs
Image illustrative de l’article Viaduc des Rochers Noirs
Géographie
Pays France
Région Nouvelle-Aquitaine
Département Corrèze
Commune Lapleau, Soursac
Coordonnées géographiques 45° 16′ 05″ N, 2° 10′ 57″ E
Fonction
Franchit La Luzège
Fonction Ancien pont ferroviaire, désormais fermé à toute circulation
Caractéristiques techniques
Type Pont à haubans
Longueur 158 m
Portée principale 140 m
Largeur m
Hauteur 90 m
Matériau(x) Pierres, acier
Construction
Construction 1911
Inauguration 11 septembre 1913
Mise en service Courant 1913
Concepteur Ferdinand Arnodin
Historique
Protection Logo monument historique Classé MH (1996)
Géolocalisation sur la carte : France
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Viaduc des Rochers Noirs
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Viaduc des Rochers Noirs
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Viaduc des Rochers Noirs

Le viaduc des Rochers Noirs (ou de Roche-Taillade[1]) est un pont suspendu permettant le franchissement des gorges de Luzège, au point le plus resserré, entre Lapleau et Soursac dans le département de la Corrèze. À l'origine son utilisation était uniquement ferroviaire et appartenait à l'ancienne ligne du Transcorrézien, gérée par les tramways de la Corrèze.

Historique[modifier | modifier le code]

Le viaduc a été conçu suivant le brevet déposé par Albert Gisclard et les travaux ont été réalisés par les établissements Ferdinand Arnodin. L'ouvrage fait partie de la ligne de chemin de fer Transcorrézien, inaugurée le en présence du Président Raymond Poincaré. Elle reliait Tulle à Ussel en huit heures de trajet.

Le passé du viaduc[modifier | modifier le code]

Un site difficile[modifier | modifier le code]

La configuration du terrain, la grande profondeur du ravin, la très forte inclinaison du talweg, la nécessité de creuser le Tunnel des Rochers Noirs furent autant de considérations à prendre en compte pour le choix d'un pont suspendu éliminant d'emblée la solution des ponts supportés (ponts dont les points d'appui sont en dessous du tablier).

Une technique particulièrement élégante[modifier | modifier le code]

La construction d'un pont suspendu classique, primitivement envisagée a été abandonnée à cause du manque de rigidité d'une telle structure, incompatible avec le passage de trains lourds pouvant provoquer des oscillations dangereuses. En effet un pont suspendu comprend essentiellement deux faisceaux de câbles paraboliques porteurs, souples par nature, reliés au tablier par des suspentes verticales. La rigidité de la structure ne peut être apportée que par le tablier, qui doit en conséquence être renforcé.

Schéma de la structure.
Schéma de la suspension Ordish.

La construction des ponts à grande portée s'est enrichie en 1909 des résultats probants obtenus sur le pont suspendu fixe de Cassagne. Une étude comparative permit de conclure à l'adoption du système Gisclard au vu des avantages techniques et économiques de ce nouveau type de pont, préfigurant les actuels ponts à haubans. Le pont est porté par deux fermes longitudinales constituées de câbles métalliques. La disposition des câbles constitue l'originalité du système. À partir du sommet de chacune des deux piles sont fixées deux nappes de câbles métalliques se croisant au milieu de la portée principale où elles sont reliées. Les câbles principaux poursuivent leur cours sensiblement horizontalement jusqu'à proximité de la pile opposée, puis obliquement jusqu'au sommet de cette pile. Les câbles principaux forment ainsi deux triangles (MOA et NOB sur le croquis) liés entre eux par un sommet à mi-portée, et chacun en haut des piles par un autre sommet. À l'intérieur de chaque triangle sont tendus 4 haubans entre le sommet de la pile et la base horizontale du triangle. La géométrie de la structure est déterminée de façon que les câbles demeurent tendus en toute hypothèse. La structure constitue un ensemble géométriquement indéformable et librement dilatable. Le caractère isostatique de la structure rend aisément calculables les efforts internes produits en chaque élément. La structure est complétée par la suspension Ordish, qui réduit encore les déformations. Ce système consiste en un câble parabolique tendu entre les deux piles au-dessus de chaque ferme, supportant chaque hauban en plusieurs points intermédiaires par des suspentes verticales, ce qui permet, en annulant la flèche due au poids propre, de rendre chaque hauban quasi rectiligne. Le tablier métallique, conçu comme une poutre continue, est suspendu sous la structure par des tiges verticales. La rigidité du tablier peut ainsi être réduite à la valeur minimale requise par la stabilité de la portion comprise entre deux points de suspension.

Le viaduc aujourd'hui[modifier | modifier le code]

Alors que l'activité ferroviaire du viaduc cesse le , le pont devenu routier est emprunté par la route départementale D89 jusqu'en 1983. À partir de 1983, le viaduc est réservé aux piétons.

Le viaduc des Rochers Noirs fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis le [2]. Depuis 2005, il est définitivement interdit à toute circulation pour des raisons de sécurité.

En 2014, une passerelle himalayenne est installée à proximité pour franchir la Luzège permettant ainsi de maintenir la continuité de l'itinéraire de randonnée ( GR de pays) entre Soursac et Lapleau.

En 2020, il fait partie de la liste des sites prioritaires retenus par la Mission Stéphane Bern permettant, à la Fondation du Patrimoine, l'attribution de 500 000 € pour les premiers travaux[3] visant à terme la réouverture du site au public[4].

Entre 2022 et 2024 le viaduc fait l'objet d'un important chantier de restauration pour un montant HT de 9,8 millions d'euros et doit être réouvert au public (mobilité douce et véhicules de secours) en septembre 2024.

Le chantier de restauration[modifier | modifier le code]

viaduc des Rochers Noirs en réfection mai 2024

Depuis son classement en 2000 le caractère exceptionnel de cet ouvrage d’art est reconnu. Il fait partie par son ampleur des plus grands ponts métalliques français du début du 20ème siècle ; 140 m entièrement suspendus par une charpente rigide composée de câbles. C’est le deuxième pont en France à adopter la technologie d’avant-garde Gisclard, après celui de la Cassagne dans les Pyrénées orientales. Ce type contribuera à la mise en place, ensuite, des ponts à haubans. Des 41 ponts Gisclard construits dans le monde, seuls 5 subsistent en France de manière certaine (le pont de la Cassagne, le viaduc des Rochers Noirs, le pont du Bourret, de Lézardieux et de Vitry), dont 3 classés monuments historiques. Le viaduc des Rochers Noirs est le plus emblématique car il était conservé dans un état quasiment intact depuis sa construction. Sa suspension était celle d’origine, à l’exception des câbles de retenue et de deux haubans qui ont été remplacés. Le tablier d’origine en acier est encore intégralement en place. Lors de la désaffection de la ligne ferroviaire en 1960, les rails ont été déposés et une dalle de roulement en béton coulée. Cette dalle a été enlevée en 1998 pour rendre au pont son état d’origine. Une étude approfondie de sa structure et de ses dégradations fait opter pour un remplacement à l'identique de la suspension avec réutilisation autant que possible des pièces d'origines, un remplacement du platelage en acier, une réfection des piles ainsi qu'une mise aux normes des gardes-fous conservant le design d'origine.

Panneau d'information publique du chantier de restauration du viaduc des Rochers Noirs

Ce chantier de restauration d'envergure a été validé pour un budget de 9,8 millions d'euros HT financé par :

  • L'état (DRAC Nouvelle Aquitaine) 4 776 000 €
  • Le Département de la Corrèze 2 259 000 €
  • l'Union Européenne (FEDER) 1 353 000 €
  • La Région Nouvelle Aquitaine 700 000 €
  • La Fondation du Patrimoine 500 000 €
  • La fondation Crédit Agricole 100 000 €
  • Une souscription publique 150 000 €

Description de l'ouvrage[modifier | modifier le code]

La voie d'accès au pont se fait par une pente de 4,375 kilomètres côté Lapleau, avec une déclivité maximum de 42 mm/mètre sur 950 mètres; et côté Soursac par une pente de 4,573 kilomètres.

La maçonnerie[modifier | modifier le code]

Elle se compose uniquement de deux piliers et des massifs d'amarrage. Les matériaux fournis par les rochers voisins étaient très sains, très durs et à l'abri de la gelée ; ils ont donc été utilisés pour la construction de parements des maçonneries.

Pour l'exécution des maçonneries des culées et des piles, on a utilisé la seule méthode pratique et économique qui permet de desservir les chantiers simultanément sur les deux rives. Cette méthode consiste à l'utilisation d'un télécharge (système Arnodin). Sa portée était de 172 mètres. ses dispositions étaient telles qu'une fois les piles exécutées au-dessus du niveau du tablier, ce télécharge continuait son service, les câbles porteurs passant entre les piédroits de l'arche réservée pour le passage des véhicules dans l'intérieur des piles.

Les piliers[modifier | modifier le code]

Les deux piles en maçonnerie sont assises sur le rocher granitique du talweg qui est très incliné, mais pas sur la même courbe de niveau. La pile côté Soursac est à hauteur de 53,71 m, celle du côté Lapleau à 41,71 m.

Au niveau du tablier, chaque pile évidée, se divise en deux pilastres.

Ces piliers sont surmontés d'un couronnement et d'un dé en pierre de taille de granit sur lequel viennent s'appuyer les chariots de dilatation auxquels sont attachés les fermes de suspension et les câbles de retenue du pont.

Chacun de ces deux piliers comprend deux parties distinctes : la partie inférieure ou soubassement, située en dessous du tablier, et la partie supérieure formée de deux pilastres situés au-dessus du même tablier et qui dominent à 126 mètres le lit du cours d'eau.

Par suite de la grande déclivité du terrain, le socle de chaque pilier est assis sur une série de redans qui ont pour but de faire disparaître les plans de glissement et de placer la base sur des surfaces bien horizontales, et également de découvrir le rocher et de débarrasser des parties qui ne faisaient pas corps avec la masse.

La distance entre les parements de culées est de 158,37 mètres.

Les massifs d’amarrage[modifier | modifier le code]

Le rocher sur chaque rive étant solide et surabondant, il a semblé illogique de le déblayer et d'y faire des excavations coûteuses pour constituer des massifs d'amarrage en maçonnerie. La méthode la plus rationnelle d'utiliser ce rocher fut donc de creuser des galeries semi-circulaires contournées par les câbles, à profondeur suffisante pour que le cube de rocher résistant se trouve surabondant.

Le câble Ordish[modifier | modifier le code]

Le poids propre de ces câbles devant la grandeur des tensions qu'ils supportent fait qu'ils décrivent une courbe chaînette présentant une flèche. La suspension Ordish, sur laquelle des tiges verticales sont attachées, permet d'atténuer notablement la variation de la flèche, et réduit dans une proportion appréciable l'abaissement du tablier.

Cette suspension permet également de réduire la part du poids des câbles afférente à chaque nœud de la ferme.

Galerie de photos[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Albert Gisclard, Note sur un nouveau type de pont suspendu rigide, Annales des Ponts et Chaussées, p. 180-191, 1899 Lire en ligne
  • Albert Gisclard, Note sur un nouveau type de pont suspendu rigide, Annales des Ponts et Chaussées, p. 297-355, 1900 Lire en ligne
  • Maurice Lévy, Construction de deux ponts suspendus rigides (système Gisclard), p. 105-126, Annales des ponts et chaussées. 1re partie. Mémoires et documents relatifs à l'art des constructions et au service de l'ingénieur, 1905-1, tome 17 Gallica : Lire en ligne
  • E. Lebert, Etude des poutres raidissantes dans les ponts suspendus système Gisclard, Annales des Ponts et Chaussées, p. 50-91, 1913 Lire en ligne
  • Gaston Leinekugel Le Cocq, Pont suspendu fixe, système Gisclard, sur la Luzège (Corrèze), Le Génie civil : revue générale des industries françaises et étrangères, , p. 81-85. Lire en ligne
  • Gaston Leinekugel Le Cocq, Pont suspendu fixe, système Gisclard, sur la Luzège (Corrèze), Le Génie civil : revue générale des industries françaises et étrangères, , p. 104-109. Lire en ligne

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. C'est la dénomination que l'on trouve, par exemple, sur les cartes postales anciennes de la Corrèze.
  2. « Viaduc des Rochers Noirs », notice no PA00135399, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture
  3. Maryne Le Goff, « Loto du patrimoine : 500.000 € versés pour le viaduc des Rochers noirs, en Corrèze », sur La Montagne, (consulté le ).
  4. Hélène Abalo, « Corrèze : le viaduc des Rochers Noirs retenu pour le loto du patrimoine », sur France 3, (consulté le ).

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